

"Adieu mères" ou l'hymne de paix de Mohammed Ismaïl
Nour-Eddine SALLOUK
4 Février 2008
"Enfin un film marocain, réalisé par un marocain avec des acteurs marocains et étrangers et une équipe marocaine et étrangère qui s'adresse de par son thème à un public international. » s'est exclamé une spectatrice à la fin de la projection de « Adieu mères » de Mohammed Ismaïl.
« Un film courageux », « Un documentaire romancé », « Une histoire émouvante » les réactions vont bon train. C'est un film destiné à un large public que Mohammed Ismaïl a présenté à la séance de clôture de la 5éme édition du Festival Agadir-Ciné : Cinéma et immigration. A la fois véridique et sincère, orchestré de main de maître et bénéficiant d'un casting de renommée nationale et internationale, le film est un événement qui à tout les atouts pour forcer l'estime d'un public averti.
En s'attaquant à un sujet longtemps contourné, mais toujours ostensible dans la société marocaine, celui des juifs marocains dans les années 60 et de leur immigration vers Israël, (immigration : thématique proche du coeur de Mohammed Ismaïl), « Adieu mères » risque de marquer un tournant dans le cinéma marocain. C'est un legs de l'histoire humaine que Mohammed Ismaïl dévoile sans trop de surprise au public.
« Adieu mères » plonge le spectateur dans l'univers des années 60, l'époque de l'après 2ème guerre mondiale, des mouvements de résistance et de libération, une époque de reconstruction par rapport aux événements douloureux qui ont marqué l'identité marocaine; une époque de redéfinition des rapports, des forces sur la carte encore meurtrie d'un Maroc sortie affaibli mais vainqueur, par d'épuisantes gymnastiques politiques. En cette époque, une immigration massive déclenchée par une propagande sioniste active aux quatre coins de la Terre dans le but de « rapatrier le maximum de juifs vers la terre promise » battait son plein. C'est cette propagande sioniste qui est venu jeter le trouble dans les relations des juifs marocains et des marocains qu'un destin commun, soutenu par un nombre incalculable d'activités socio-économiques et humaines unissait dans une belle entente.
Le film n'est en rien un récit politique, il suit plutôt la tangente des relations humaines en dehors de toutes considérations religieuses et socio-culturelles de deux communautés l'une musulmane l'autre juive. Ce n'est pas non plu l'apologie de la communauté juive marocaine en cette période des « années noires », c'est plutôt l'expression d'un profond respect vis-à-vis des relations entre deux communautés de confessions différentes réunies, à l'origine sur la base d'intérêts économiques sans que le souci du gain l'emporte sur l'inébranlable amitié, la séculaire entente des marocains et des juifs marocains (à travers deux familles, celle du couple stérile Brahim et Fatima de confession musulmane et du couple juif Henry et Ruth). Imbu de cette tendance humaniste et par le biais de scènes dans lesquelles la noblesse des sentiments est mise en exergue pour écraser toute velléité ségrégationniste, Mohammed Ismaïl a su communiquer avec beaucoup de finesse aux moments les plus forts du film une sensibilité émouvante. Le choix d'opter pour une structure narrative et une progression linéaire simples où les thèmes de l'amitié, de l'amour et de l'argent se chevauchent en toute souplesse, dans une réalisation sobre, démunie de tout artifice tendent à épargner l'authenticité des événements historiques valorisant ainsi les messages de paix délivrées, les questions posées et tout à la fin, l'absence des réponses ou de morales, sollicitant par là le spectateur à réagir, à agir intellectuellement.
Cet exploit de la mise en scène n'aurait pas eu le même impact sans les performances de ses comédiens Souad Hamidou, Rachid El Ouali, Nazha Ragragui, Hafida Kassoui ; et sans des prestations étrangères tout aussi confirmées (Marc Samuel, Christian Drillaud ). De par ce choix, Mohammed Ismaïl confère à son dernier né une dimension universelle. « Adieu mères » n'est pas un appel à la normalisation des relations avec les israéliens, c'est en fait un témoignage dune époque de ruptures vécue dans des conditions dramatiques et pour peu qu'on veuille mettre en sourdine les préjugés, le spectateur y décèlera « ce qui importe le plus : l'hymne à la paix » de Mohammed Ismaïl. C'est justement ce message de paix que va traîner derrière lui ce dernier dans le cadre d'une tournée qui le mènera dans des festivals de quatre continents.
Mohammed Ismaïl, dont le critique Abdelilah Al Jaouhari a dit qu'avec ce film « Il a atteint le stade de maturité en réussissant le chevauchement du thème et de la technique de réalisation » , s'est surpassé en signant son dernier film « Adieu mères », classé en très bonne position parmi les dix premiers films arabes de l'année 2007.
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